Nos pays sont de plus en plus riches, le niveau de vie augmente, alors arrêtons de nous plaindre ?

On entend régulièrement, particulièrement du point de vue libéral, l'idée que la vie des peuples s'est améliorée avec le temps, que le niveau de vie global augmente, et que nos sociétés ont pu apporter paix et prospérité à tel point qu'il est malvenu de les critiquer. L'idée est ici de s'intéresser à cet argument et d'en étudier quelques aspects.

De quoi parle-t-on quand on parle de l'amélioration du quotidien des populations ?

La notion de bonheur est relative (aux populations, aux situations géographiques, aux cultures, ...) et rend difficile la mesure d'un niveau qui augmenterait ou diminuerait. C'est souvent ce qui sous-tend le propos de l'amélioration des conditions de vie des populations. Néanmoins, de manière plus factuelle et plus juste, cette notion abstraite, bien que sous-entendue souvent, n'est pas littéralement ce qui est le plus souvent expressément énoncé. On va plutôt parler de meilleur niveau de vie, ou de richesse et pauvreté, qui cette fois sont moins des notions ou des concepts que des valeurs tangibles et numériques, que l'on peut analyser et comparer.

Les chiffres existent, surtout lorsque l'on cherche des valeurs récentes, et ils sont même disponibles à foison. On peut alors réfléchir auxquels seront les plus pertinents pour la discussion. Le choix qui est fait ici est arbitraire, chacun pourra utiliser l'Internet pour compléter la lecture.

PIB/habitant dans le monde

Lorsqu'on évalue la richesse d'un pays, il est commun d'utiliser le PIB (Produit Intérieur Brut) comme indicateur (et donc par richesse, on entend la richesse monétaire, et on ne s'attarde pas à d'autres concepts tels que la richesse intellectuelle, patrimoniale ou culture, par exemple). Pour évaluer plus précisément la richesse des populations, là encore, il est commun de rapporter le PIB aux habitants du pays concerné, et donc de parler de PIB/habitant (GDP/capita en anglais). Les chiffres sont assez parlants : la richesse mondiale n'a jamais été aussi grande

The Changing Wealth of Nations - 2021 Exec Sum - Source : World Bank

Indice de développement humain

L'indice de développement humain (IDH) est un indicateur peut-être imparfait, mais qui essaie de faire correspondre à la notion de développement humain une valeur numérique. Il regroupe trois indices mesurant la santé/longévité, le niveau d'éducation et le niveau de vie (basé sur le revenu brut par habitant - très lié à la notion de PIB/habitant qu'on définissait au précédent paragraphe) des populations. Il a vocation à mesurer, comme il peut, le bien-être et le développement humains. Depuis 1990, cet indice a augmenté sans faille (même en 2008 durant la crise des subprimes)... jusqu'en 2019.

En effet, l'indice de développement humain a décru pour la première fois deux années de suite, du fait de la crise Covid-19

Si l'on omet ces deux dernières années, l'IDH a augmenté depuis plus de 30 ans, ce qui corrobore l'hypothèse d'un meilleur bien-être humain.

Est-il juste d'affirmer que nous sommes mieux lotis que nos aînés ?

Si l'on regarde au-delà des précédents chiffres, nous pouvons nous intéresser à trois concepts qui justifient qu'on ne se contente pas de ces constats numériques.

La faim dans le monde

Bien que la faim dans le monde ait stagné jusqu'à 2015, elle a explosé ces dernières années, en particulier en 2021 (+150 millions par rapport à 2019, +46 millions par rapport à 2020). 2.3 milliards de personnes souffrent de malnutrition en 2021 dans le monde. Il devient difficile de s'en contenter ou de détourner les yeux en vantant les mérites de nos organisations sociétales actuelles.

La hausse du sentiment d'insécurité

Lorsqu'on s'intéresse à l'IDH (voir le chapître général précédent), on tombe sur le Programme de Développement des Nations Unies (UNDP en anglais) qui dresse un constat mitigé. On peut citer notamment : Nous vivons dans un monde d’inquiétudes marqué par la pandémie actuelle de COVID-19, la guerre en Ukraine et ailleurs, des températures d’un niveau sans précédent, des incendies et des tempêtes. Chacun de ces phénomènes constitue une manifestation troublante d’un nouvel ensemble d’incertitudes qui émergent [...] et qui bouleversent des vies dans le monde entier.

Les inégalités en forte hausse

Les inégalités de revenus et de patrimoines sont fortement marquées. Elles viennent contrebalancer les constats du paragraphe général précédent : la richesse globale et mondiale augmente, mais est en grande partie captée par une minorité la plus riche. C'est l'effet connu des moyennes qui masque donc ces disparités au sein des sociétés (à l'image d'un milliardaire qui rentre dans un bar et qui transformerait tout le monde dans le bar, en moyenne, comme un multi-millionnaire).

D'après le rapport : https://wir2022.wid.world/www-site/uploads/2021/12/Summary_WorldInequalityReport2022_French.pdf

D'après le rapport : https://wir2022.wid.world/www-site/uploads/2021/12/Summary_WorldInequalityReport2022_French.pdf

Conclusion

Même si la société a évolué au fil du temps, et que les progrès, en particulier scientifiques, ont su changer notre quotidien, il n'en est pas moins utile de questionner notre époque et de s'interroger sur les mesures que nous pouvons prendre pour rendre notre vie meilleure. Les points précédents sont bien incomplets, mais ont vocation à donner quelques pistes de réflexion au lecteur, en complément de quelques autres questions que nous laisseront ici en conclusion :

• Pourquoi qualifie-t-on le bien-être et la richesse uniquement par des valeurs d'argent et non par des valeurs humaines ou sociales différentes ?
• Les PIB apparemment bons d'une bonne partie des pays masquent une politique court-termiste de croissance mais qui sur le long-terme provoquera nécessairement une décroissance, sans compter les impacts négatifs sur l'environnement ;
• Y a t il seulement une bonne raison de ne pas questionner notre société pour l'améliorer ?