« La France s'appauvrit-elle ? » : différence entre les versions
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La moyenne n'est pas un indicateur pertinent pour décrire ou non la pauvreté. Un milliardaire qui rentre dans un centre d'accueil pour sans-abris entraînera un indicateur de revenu moyen des personnes présentes assez surprenant (mais mathématiquement simple à comprendre) : la moyenne des personnes seront millionnaires. On pourrait s'intéresser plutôt au revenu médian dans ce cas, qui serait bien plus représentatif du revenu des personnes en présence. | La moyenne n'est pas un indicateur pertinent pour décrire ou non la pauvreté. Un milliardaire qui rentre dans un centre d'accueil pour sans-abris entraînera un indicateur de revenu moyen des personnes présentes assez surprenant (mais mathématiquement simple à comprendre) : la moyenne des personnes seront millionnaires. On pourrait s'intéresser plutôt au revenu médian dans ce cas, qui serait bien plus représentatif du revenu des personnes en présence. | ||
Ainsi, le revenu global lui-même n'est pas forcément un indicateur pertinent. La Commission Stiglitz en 2009<ref>Rapport Stiglitz : https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2010-1-page-63.htm</ref> par exemple, souligne que le PIB est un indicateur incomplet, et de multiples facteurs sont évoqués : bien-être, qualité de vie (tant du point de vue individuel que collectif), eux-mêmes dépendant de la santé, de l'éducation, de la représentation politique, ... | Ainsi, le revenu global lui-même n'est pas forcément un indicateur pertinent. | ||
Au Secours Catholique, la pauvreté est mesurée en prenant compte d'encore d'autres facteurs<ref>Rapport de pauvreté du Secours Catholique 2023 : https://www.secours-catholique.org/m-informer/nos-positions/notre-etat-de-la-pauvrete-en-france-2023</ref> : l’isolement, le logement, la nécessité de prendre des transports, la maltraitance sociale ou encore institutionnelle, ... | * La Commission Stiglitz en 2009<ref>Rapport Stiglitz : https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2010-1-page-63.htm</ref> par exemple, souligne que le PIB est un indicateur incomplet, et de multiples facteurs sont évoqués : bien-être, qualité de vie (tant du point de vue individuel que collectif), eux-mêmes dépendant de la santé, de l'éducation, de la représentation politique, ... | ||
* Au Secours Catholique, la pauvreté est mesurée en prenant compte d'encore d'autres facteurs<ref>Rapport de pauvreté du Secours Catholique 2023 : https://www.secours-catholique.org/m-informer/nos-positions/notre-etat-de-la-pauvrete-en-france-2023</ref> : l’isolement, le logement, la nécessité de prendre des transports, la maltraitance sociale ou encore institutionnelle, ... | |||
In fine, ce sont les inégalités qui participent au récit de la paupérisation de la population, mais surtout d'une partie d'entre eux. | In fine, ce sont les '''inégalités''' qui participent au récit de la paupérisation de la population, mais surtout d'une partie d'entre eux. | ||
== Surtout, des inégalités == | |||
=== Des différences entre les classes sociales === | |||
Il est certain que les patrimoines privés ont vu une nette progression sur ces dernières décennies<ref name="multiple">Le capital privé en plein essor depuis les années 1970 : : https://www.lemonde.fr/blog/piketty/2017/03/14/capital-public-capital-prive/</ref>, et ont contribué au creusement des inégalités au sein de la société. | |||
Ainsi,les patrimoines privés, qui représentaient environ 300% du revenu national dans les années 70, constituent en 2015 près de 600% dans tous les pays riches<ref name="multiple"/>. | |||
Pour compléter, l'INSEE fournit de nombreuses études et statistiques permettant d'en avoir une meilleure idée, dont le rapport sur le patrimoine net des ménages<ref>RPM 2021 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/5371259/RPM2021-F30.pdf</ref>. On peut notamment y lire : | |||
<blockquote>''Le niveau de vie plafond des 10 % les plus modestes reste lui inférieur à celui de 2008, du fait de la baisse du revenu avant redistribution ; cette baisse est elle‑même liée à la hausse du nombre de chômeurs chez les plus modestes. À l’inverse, les revenus avant redistribution des plus aisés ont augmenté. Finalement, les inégalités avant redistribution ont fortement augmenté depuis 10 ans. Le système socio‑fiscal a amorti cette hausse : en 2018, après redistribution, les inégalités sont légèrement supérieures à leur niveau de 2008''. | |||
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== | === Le public et le privé, inégaux eux aussi === | ||
== | Dans les années 70, le capital public (représentant donc les actifs publics (100-150% du revenu national) duquel on déduit la dette publique (~30% du revenu national à l'époque)) était de l'ordre de 100% du revenu national. Les actifs ont ensuite stagné (notamment du fait des privatisations successives entamées dans les années 80) tandis que la dette (publique) a augmenté. Résultat, le capital public est quasi nul en France ou en Allemagne, voire négatif aux USA, au Japon ou au Royaume-Uni en 2015-2016. On peut, en un sens, parler d'un appauvrissement du gouvernement français. | ||
Oui, mais... Dans le même temps, les patrimoines privés, nets de dettes, ont eux, explosé depuis les années 70 (on l'a dit plus tôt, mais on peut le redire ici : 300% du revenu national à l'époque, près de 600% en 2015)<ref name="multiple"/>. | |||
=== La perception de la pauvreté === | |||
Les inégalités sont exacerbées par la stigmatisation des situations de pauvreté, laissant souvent le démuni dans un sentiment de responsabilité individuelle : "''Si on est pauvre, c'est presque une question de choix''"<ref>La France s'est-elle appauvrie ? Émission radiofrance : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-temps-du-debat/la-france-s-est-elle-appauvrie-9693632</ref>. | |||
Des classes entières de la population ont donc effectivement vu leur pouvoir d'achat diminuer, ainsi que leur capacité à se constituer un patrimoine. Le contexte politique et social, qui contribue à laisser la part belle aux plus hauts revenus (en particulier aux grands bénéficiaires de la mondialisation), n'aide pas à réduire ce sentiment de déclassement qu'éprouvent les parts plus modestes de la population. | |||
== Jeunes versus retraités ? == | |||
On lit parfois dans le débat de l'appauvrissement de la France ou de son état financier que son système public (tant dans les infrastructures que du fait de son fort taux d'impôts et de taxes) grève les capacités de croissance. C'est une antienne qu'on a notamment pu entendre lors des récents débats sur les retraites, et qui oppose donc parfois les jeunes générations, qui seraient sacrifiées par rapport à celle de ses anciens. On assisterait à une guerre des âges, avec des retraités oisifs et bien chanceux, et des jeunes dont le système redistributif a fortement coupé les perspectives d'avenir. | |||
=== Les retraites sont confortables<ref>Un commentaire de cet article stipule que les retraites sont confortables (tout est relatif, mais c'est plutôt faux) : https://www.contrepoints.org/2020/07/21/376629-la-france-sappauvrit</ref><ref>Une interprétation des Échos sur un rapport du COR de 2015 : https://www.lesechos.fr/2015/12/les-retraites-francais-ont-lun-des-meilleurs-niveaux-de-vie-au-monde-264043</ref> ? === | |||
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''Les retraites ne sont pas misérables en moyenne. Elles sont même supérieures aux revenus médians des actifs, ce qui est un comble alors que le ratio cotisants / retraités s’effondre.'' | |||
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C'est faux. Les chiffres [https://fr.statista.com/statistiques/1359884/niveau-de-vie-median-retraites-et-actifs/ ici]. | |||
=== La guerre des âges ? === | |||
Effectivement, les personnes âgées dans leur ensemble sont plus riches que les jeunes<ref>Pour une révolution fiscale - Camille Landais, Thomas Piketty, Emmanuel Saez - pages 26-27</ref>. Cependant, lorsqu'on y regarde de plus près, on y trouve à peu près la même répartition que dans le reste de la population : une majorité ne possède presque rien, et une minorité beaucoup. | |||
De fait, penser que les retraités bénéficient d'un régime de faveur, tandis que les jeunes ont face à eux un parcours semé d'embûches, c'est : | |||
* Oublier que les retraités ont eux-mêmes travaillé et contribué à l'effort commun ; | |||
* Ne pas définir ce qu'est la jeune génération, qui varie suivant les argumentaires (et les points que les interlocuteurs cherchent à défendre), quand il n'est tout simplement pas défini ; | |||
* C'est négliger que la guerre des classes s'opère là aussi comme dit précédemment ; | |||
* Tout le monde n'atteint pas forcément l'âge de la retraite, ou n'en bénéficie pas forcément longtemps (l'espérance de vie, et l'espérance de vie en bonne santé varient cruellement entre les classes sociales) | |||
* Si 70% des retraités sont effectivement propriétaires, contre 59% selon l'INSEE (qui ne compte que les propriétaires occupants), la proportion nationale passe à 69% si l'on compte les propriétaires bailleurs ... ce qui contredit la théorie selon laquelle les "vieux" seraient heureux propriétaires chanceux quand le reste de la population n'accédera pas à la propriété<ref>La lutte des âges n'est pas la nouvelle lutte des classes : https://www.lemonde.fr/idees/article/2011/01/13/la-lutte-des-ages-n-est-pas-la-nouvelle-lutte-des-classes_1465259_3232.html</ref>. | |||
=== Les vieux coûtent cher, et le système de répartition est injuste<ref>Gérontologie (2013) - Guillaume Jehannin : | |||
https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe1-2013-2-page-37.htm</ref> === | |||
<blockquote> | |||
''Le taux de charge des actifs (rapport inactifs sur actifs) a donc aussi considérablement augmenté (en 1960 il y avait 4 actifs pour 1 inactif de plus de 60 ans, contre 2,2 en 2005 et jusqu’à 1,4 en 2050 selon l’Insee). Si l’on regarde quelques données dans le détail, le tableau est clair : la part des dépenses de protection sociale consacrées aux retraites sont de 45,8 %, celles consacrées à la santé 35,3 %, et comme 60 % des dépenses de santé vont vers les plus de 60 ans, cela signifie que 65 % des dépenses de protection sociale (''d'après la Dress, données 2010'') vont vers les personnes âgées. Cette situation est particulièrement prononcée en France selon Jean-Hervé Lorenzi (2012) : en effet, si l’on additionne dépenses sociales et d’éducation, et que l’on calcule ceux qui bénéficient le plus de ces transferts par rapport à leurs contributions respectives, on a la situation suivante : +4,3 % du PIB pour les jeunes, –16,6 % pour les actifs, et +12,3 % pour les retraités. Plus, d’après les calculs d’André Masson (2010) additionnant les transferts publics et privés entre les générations, 80 % de la population (les moins de 60 ans) recevraient 25 % du PIB en transferts alors que 20 % de la population (les plus de 60 ans) en toucheraient 20 %.'' | |||
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Avant tout, il faut s'intéresser à la productivité d'un actif. Dire qu'avant il fallait 4 actif pour 1 inactif de plus de 60 ans, et qu'il en faut aujourd'hui 2,2, c'est oublier : | |||
* Qu'un actif aujourd'hui produit bien plus qu'en 1960<ref>Évolution de productivité : https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2022-dt-productivite-mai.pdf</ref> (pas seulement grâce à sa force de travail, mais notamment grâce aux progrès technologiques, aux progrès dans l'organisation de la production, ...) | |||
* Que la bonne question à se poser, c'est quelle part du revenu national on souhaite allouer aux retraites. Et cette part n'a pas spécialement explosé. | |||
Quant à se concentrer sur les transferts, c'est : | |||
* Considérer que les retraités ne sont plus qu'un coût (alors qu'ils sont souvent très actifs, en association, en garde d'enfants pour que les parents puissent, justement, mieux travailler, ...) ; | |||
* Oublier que s'ils ont des besoins de santé à leur âge, c'est parfois parce que les soins dont ils auraient dû bénéficier plus tôt n'ont pas été prodigués. | |||
== Conclusion personnelle == | |||
In fine, la question "La France s'appauvrit-elle ?" est une question mal posée. Il conviendrait plutôt de s'intéresser aux sujets suivants : | |||
== | - Assiste-t-on à un changement dans les inégalités en France ? | ||
- Les plus démunis d'entre nous s'en sortent-ils plus ou moins bien, et qui sont-ils ? | |||
La | Ces questions provoquent forcément d'autres interrogations associées, et j'espère que ce wiki saura répondre à certaines d'entre elles... | ||
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Dernière version du 5 mai 2024 à 16:56
On le répétera régulièrement dans ce wiki, l'économie est une science molle[1]. Même si certaines idées prédominent parfois, le consensus est loin d'être atteint, et la science économique est fortement liée aux sciences sociologiques, politiques et humaines.
De fait, on a pu le voir dans d'autres articles du wiki, et nous le revoyons ici, les avis divergent. Et divergent, c'est énorme, disait Pierre Desproges.
Le PIB par habitant
La place de la France face au reste du monde est un des prismes que l'on peut constater lorsqu'on évoque l'appauvrissement de la France. En effet, le PIB/habitant place la France au 25ème rang mondial[2]. D'aucuns affirment que l'évolution de la courbe française est la preuve de cette paupérisation[3]. En d'autres termes, la France "décrocherait" par rapport aux États-Unis ou la Suisse, et même l'Allemagne, bien qu'elle s'essouffle aussi.
Mais au-delà de ces constatations macro-économiques, qui font d'ailleurs débat (car le PIB de la France, par exemple, n'a jamais été aussi élevé), qu'en est-il réellement ?
Voyons avant tout les chiffres de manière plus précise ici (Les images sont cliquables. Source : OCDE[4]) :
Un indicateur incomplet
La moyenne n'est pas un indicateur pertinent pour décrire ou non la pauvreté. Un milliardaire qui rentre dans un centre d'accueil pour sans-abris entraînera un indicateur de revenu moyen des personnes présentes assez surprenant (mais mathématiquement simple à comprendre) : la moyenne des personnes seront millionnaires. On pourrait s'intéresser plutôt au revenu médian dans ce cas, qui serait bien plus représentatif du revenu des personnes en présence.
Ainsi, le revenu global lui-même n'est pas forcément un indicateur pertinent.
- La Commission Stiglitz en 2009[5] par exemple, souligne que le PIB est un indicateur incomplet, et de multiples facteurs sont évoqués : bien-être, qualité de vie (tant du point de vue individuel que collectif), eux-mêmes dépendant de la santé, de l'éducation, de la représentation politique, ...
- Au Secours Catholique, la pauvreté est mesurée en prenant compte d'encore d'autres facteurs[6] : l’isolement, le logement, la nécessité de prendre des transports, la maltraitance sociale ou encore institutionnelle, ...
In fine, ce sont les inégalités qui participent au récit de la paupérisation de la population, mais surtout d'une partie d'entre eux.
Surtout, des inégalités
Des différences entre les classes sociales
Il est certain que les patrimoines privés ont vu une nette progression sur ces dernières décennies[7], et ont contribué au creusement des inégalités au sein de la société.
Ainsi,les patrimoines privés, qui représentaient environ 300% du revenu national dans les années 70, constituent en 2015 près de 600% dans tous les pays riches[7].
Pour compléter, l'INSEE fournit de nombreuses études et statistiques permettant d'en avoir une meilleure idée, dont le rapport sur le patrimoine net des ménages[8]. On peut notamment y lire :
Le niveau de vie plafond des 10 % les plus modestes reste lui inférieur à celui de 2008, du fait de la baisse du revenu avant redistribution ; cette baisse est elle‑même liée à la hausse du nombre de chômeurs chez les plus modestes. À l’inverse, les revenus avant redistribution des plus aisés ont augmenté. Finalement, les inégalités avant redistribution ont fortement augmenté depuis 10 ans. Le système socio‑fiscal a amorti cette hausse : en 2018, après redistribution, les inégalités sont légèrement supérieures à leur niveau de 2008.
Le public et le privé, inégaux eux aussi
Dans les années 70, le capital public (représentant donc les actifs publics (100-150% du revenu national) duquel on déduit la dette publique (~30% du revenu national à l'époque)) était de l'ordre de 100% du revenu national. Les actifs ont ensuite stagné (notamment du fait des privatisations successives entamées dans les années 80) tandis que la dette (publique) a augmenté. Résultat, le capital public est quasi nul en France ou en Allemagne, voire négatif aux USA, au Japon ou au Royaume-Uni en 2015-2016. On peut, en un sens, parler d'un appauvrissement du gouvernement français.
Oui, mais... Dans le même temps, les patrimoines privés, nets de dettes, ont eux, explosé depuis les années 70 (on l'a dit plus tôt, mais on peut le redire ici : 300% du revenu national à l'époque, près de 600% en 2015)[7].
La perception de la pauvreté
Les inégalités sont exacerbées par la stigmatisation des situations de pauvreté, laissant souvent le démuni dans un sentiment de responsabilité individuelle : "Si on est pauvre, c'est presque une question de choix"[9].
Des classes entières de la population ont donc effectivement vu leur pouvoir d'achat diminuer, ainsi que leur capacité à se constituer un patrimoine. Le contexte politique et social, qui contribue à laisser la part belle aux plus hauts revenus (en particulier aux grands bénéficiaires de la mondialisation), n'aide pas à réduire ce sentiment de déclassement qu'éprouvent les parts plus modestes de la population.
Jeunes versus retraités ?
On lit parfois dans le débat de l'appauvrissement de la France ou de son état financier que son système public (tant dans les infrastructures que du fait de son fort taux d'impôts et de taxes) grève les capacités de croissance. C'est une antienne qu'on a notamment pu entendre lors des récents débats sur les retraites, et qui oppose donc parfois les jeunes générations, qui seraient sacrifiées par rapport à celle de ses anciens. On assisterait à une guerre des âges, avec des retraités oisifs et bien chanceux, et des jeunes dont le système redistributif a fortement coupé les perspectives d'avenir.
Les retraites sont confortables[10][11] ?
Les retraites ne sont pas misérables en moyenne. Elles sont même supérieures aux revenus médians des actifs, ce qui est un comble alors que le ratio cotisants / retraités s’effondre.
C'est faux. Les chiffres ici.
La guerre des âges ?
Effectivement, les personnes âgées dans leur ensemble sont plus riches que les jeunes[12]. Cependant, lorsqu'on y regarde de plus près, on y trouve à peu près la même répartition que dans le reste de la population : une majorité ne possède presque rien, et une minorité beaucoup.
De fait, penser que les retraités bénéficient d'un régime de faveur, tandis que les jeunes ont face à eux un parcours semé d'embûches, c'est :
- Oublier que les retraités ont eux-mêmes travaillé et contribué à l'effort commun ;
- Ne pas définir ce qu'est la jeune génération, qui varie suivant les argumentaires (et les points que les interlocuteurs cherchent à défendre), quand il n'est tout simplement pas défini ;
- C'est négliger que la guerre des classes s'opère là aussi comme dit précédemment ;
- Tout le monde n'atteint pas forcément l'âge de la retraite, ou n'en bénéficie pas forcément longtemps (l'espérance de vie, et l'espérance de vie en bonne santé varient cruellement entre les classes sociales)
- Si 70% des retraités sont effectivement propriétaires, contre 59% selon l'INSEE (qui ne compte que les propriétaires occupants), la proportion nationale passe à 69% si l'on compte les propriétaires bailleurs ... ce qui contredit la théorie selon laquelle les "vieux" seraient heureux propriétaires chanceux quand le reste de la population n'accédera pas à la propriété[13].
Les vieux coûtent cher, et le système de répartition est injuste[14]
Le taux de charge des actifs (rapport inactifs sur actifs) a donc aussi considérablement augmenté (en 1960 il y avait 4 actifs pour 1 inactif de plus de 60 ans, contre 2,2 en 2005 et jusqu’à 1,4 en 2050 selon l’Insee). Si l’on regarde quelques données dans le détail, le tableau est clair : la part des dépenses de protection sociale consacrées aux retraites sont de 45,8 %, celles consacrées à la santé 35,3 %, et comme 60 % des dépenses de santé vont vers les plus de 60 ans, cela signifie que 65 % des dépenses de protection sociale (d'après la Dress, données 2010) vont vers les personnes âgées. Cette situation est particulièrement prononcée en France selon Jean-Hervé Lorenzi (2012) : en effet, si l’on additionne dépenses sociales et d’éducation, et que l’on calcule ceux qui bénéficient le plus de ces transferts par rapport à leurs contributions respectives, on a la situation suivante : +4,3 % du PIB pour les jeunes, –16,6 % pour les actifs, et +12,3 % pour les retraités. Plus, d’après les calculs d’André Masson (2010) additionnant les transferts publics et privés entre les générations, 80 % de la population (les moins de 60 ans) recevraient 25 % du PIB en transferts alors que 20 % de la population (les plus de 60 ans) en toucheraient 20 %.
Avant tout, il faut s'intéresser à la productivité d'un actif. Dire qu'avant il fallait 4 actif pour 1 inactif de plus de 60 ans, et qu'il en faut aujourd'hui 2,2, c'est oublier :
- Qu'un actif aujourd'hui produit bien plus qu'en 1960[15] (pas seulement grâce à sa force de travail, mais notamment grâce aux progrès technologiques, aux progrès dans l'organisation de la production, ...)
- Que la bonne question à se poser, c'est quelle part du revenu national on souhaite allouer aux retraites. Et cette part n'a pas spécialement explosé.
Quant à se concentrer sur les transferts, c'est :
- Considérer que les retraités ne sont plus qu'un coût (alors qu'ils sont souvent très actifs, en association, en garde d'enfants pour que les parents puissent, justement, mieux travailler, ...) ;
- Oublier que s'ils ont des besoins de santé à leur âge, c'est parfois parce que les soins dont ils auraient dû bénéficier plus tôt n'ont pas été prodigués.
Conclusion personnelle
In fine, la question "La France s'appauvrit-elle ?" est une question mal posée. Il conviendrait plutôt de s'intéresser aux sujets suivants : - Assiste-t-on à un changement dans les inégalités en France ? - Les plus démunis d'entre nous s'en sortent-ils plus ou moins bien, et qui sont-ils ? Ces questions provoquent forcément d'autres interrogations associées, et j'espère que ce wiki saura répondre à certaines d'entre elles...
Sources
- ↑ Sciences molles/sciences dures : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sciences_dures
- ↑ Les Echos affirment que la France s'appauvrit lentement : https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/lentement-mais-surement-la-societe-francaise-sappauvrit-1916178
- ↑ Contrepoints (site libéral) - dont l'affirmation est d'ailleurs fausse (non le PIB/habitant de la France ne s'est pas fait rattraper par celui de l'Europe) : https://www.contrepoints.org/2020/07/21/376629-la-france-sappauvrit
- ↑ Chiffres OCDE dynamiques : https://data.oecd.org/fr/gdp/produit-interieur-brut-pib.htm
- ↑ Rapport Stiglitz : https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2010-1-page-63.htm
- ↑ Rapport de pauvreté du Secours Catholique 2023 : https://www.secours-catholique.org/m-informer/nos-positions/notre-etat-de-la-pauvrete-en-france-2023
- ↑ 7,0 7,1 et 7,2 Le capital privé en plein essor depuis les années 1970 : : https://www.lemonde.fr/blog/piketty/2017/03/14/capital-public-capital-prive/
- ↑ RPM 2021 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/5371259/RPM2021-F30.pdf
- ↑ La France s'est-elle appauvrie ? Émission radiofrance : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-temps-du-debat/la-france-s-est-elle-appauvrie-9693632
- ↑ Un commentaire de cet article stipule que les retraites sont confortables (tout est relatif, mais c'est plutôt faux) : https://www.contrepoints.org/2020/07/21/376629-la-france-sappauvrit
- ↑ Une interprétation des Échos sur un rapport du COR de 2015 : https://www.lesechos.fr/2015/12/les-retraites-francais-ont-lun-des-meilleurs-niveaux-de-vie-au-monde-264043
- ↑ Pour une révolution fiscale - Camille Landais, Thomas Piketty, Emmanuel Saez - pages 26-27
- ↑ La lutte des âges n'est pas la nouvelle lutte des classes : https://www.lemonde.fr/idees/article/2011/01/13/la-lutte-des-ages-n-est-pas-la-nouvelle-lutte-des-classes_1465259_3232.html
- ↑ Gérontologie (2013) - Guillaume Jehannin : https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe1-2013-2-page-37.htm
- ↑ Évolution de productivité : https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2022-dt-productivite-mai.pdf