Travail salarié et capital
Œuvre écrite en 1849 par Karl Marx, sa vocation première était de rendre plus compréhensible le contenu de la pensée socialiste et marxiste. Elle n'avait pas pour but d'être publiée en livre, chaque partie paraissant au format d'article. La version que j'ai eue l'occasion de lire a été par ailleurs légèrement modifiée par Friedrich Engels en 1891, après la mort de son auteur.
J'ai choisi de diviser cette page en fonction des parties du livre.
Introduction
L'introduction du livre est double. Une introduction de l'éditeur exprime, en termes élogieux, le contenu du livre (j'ai d'ailleurs acheté une édition qui contient également Salaire, prix et profit[1]). Elle est suivie d'une introduction de Friedrich Engels, qui explique en avoir modifié quelques parties (qui sont par ailleurs annotées dans le livre, on a donc le loisir de voir l'ancienne et la nouvelle version des éléments de l’œuvre). Les modifications sont plutôt mineures en apparence (mais importantes pour une meilleure compréhension) et sont destinées à préciser l'intention de l'auteur, selon Engels en tout cas.
J'ai notamment retenu que le travail a plutôt été remplacé par la force de travail lorsqu'elle désigne la capacité de l'ouvrier et ce qu'il peut vendre aux capitalistes en échange de salaire.
1 : Qu'est-ce que le salaire ?
Cette première partie définit le salaire comme le prix de la marchandise que représente la force de travail des ouvriers. Notons bien que le salaire est donc considéré comme une marchandise, au même titre qu'une matière première, un outil, ou un aliment.
2 : Comment détermine-t-on la valeur d'une marchandise ?
La seconde partie rappelle que le salaire est une marchandise. Dès lors, le salaire représente le prix des moyens de production. Cette partie note que les prix fluctuent continuellement, au dessus ou en dessous de leur coût de production. Également, elle souligne que lorsqu'on paye une marchandise plus cher, c'est mathématiquement une déflation de l'ensemble des autres produits qui n'ont pas vu leur prix augmenter en proportion (salaires compris)
3 : Quels sont les rapports entre le capital et le travail salarié ?
L'ensemble de cette partie consiste à décrire plus précisément les rapports entre le capital et le travail salarié. En particulier, il se concentre sur la dépendance du capital au travail salarié, c'est même ainsi qu'il se définit. Sans le travail ouvrier, le capital s'effondre. In fine, le capital dépendant du travail salarié, capital et travail salarié sont les deux faces d'une même pièce.
4 : Critique du capital par le prisme du pouvoir d'achat et des rapports sociaux
Ce chapitre est plus technique mais mérite une lecture attentive. Il commence par illustrer que l'augmentation du capital provoque nécessairement une augmentation des besoins et des jouissances sociales. Or, à mesure que les salaires ouvriers peuvent augmenter, le capital productif augmente également, ce qui définit le luxe change (et s'éloigne), et la satisfaction sociale perçue suite à un achat change également. Même si la maison de l'ouvrir s'agrandit, elle passera toujours pour une chaumière si le palais à ses côtés grandit aussi. L'auteur illustre donc cette fuite en avant perpétuelle.
L'auteur en cite trois exemples, qui lui permettront de définir un peu mieux ce qu'est le salaire :
- La découverte de l'Amérique et de mines d'or et d'argent en ont réduit la valeur, à l'époque, en diminuant leur rareté. L'argent (au sens de la monnaie) a donc vu sa valeur réduite, et par conséquent le salaire ouvrier également ;
- En 1847, la baisse des récoltes a fait augmenter les prix des produits de première nécessité. L'inflation a donc provoqué mathématiquement une baisse du salaire ouvrier ;
- En supposant que la valeur du salaire en argent n'ait cette fois pas changé, mais que les produits qu'il permet d'acheter aient vu leur prix diminuer : l'ouvrier peut alors s'acheter plus de biens et de marchandises de toutes sortes.
Le salaire nominal c'est à dire la valeur en argent du salaire ne correspond pas au salaire réel, c'est à dire ce qu'il permet d'acheter en termes de marchandises. Et ces deux définitions n'empêchent pas de considérer le point rappelé en introduction, qui sont les rapports contenus dans le salaire, et qui déterminent le salaire proportionnel (ou relatif). Si par exemple le salaire de l'ouvrier diminue de 30%, mais la valeur des marchandises de 60%, alors l'ouvrier peut s'acheter plus de choses, mais le capitaliste a augmenté son profit, et les rapports d'inégalité entre l'ouvrier et le capitaliste se sont accrus.
Du point de vue du capitaliste, le prix de la marchandise qu'il vend se divise en trois parties :
- Premièrement, le prix des matières premières qu'il a avancées et l'usure de ses instruments/machines/moyens de production qu'il a déjà achetés ;
- Cette première part a une valeur déterminée qui existait auparavant
- Deuxièmement, le remplacement du salaire qu'il a avancé (à l'ouvrier) ;
- Cette deuxième part ...
- Troisièmement, son profit ;
- ... Ainsi que la troisième part sont tirées de la nouvelle valeur créée par l'ouvrier.
In fine, le salaire de l'ouvrier n'est pas la part dans la marchandise qu'il a produite (cela sous-entendrait que cette part est fixe). Il faut plutôt lui choisir une autre définition : c'est la part de marchandises déjà existantes avec laquelle le capitaliste achète, pour son profit, une quantité déterminée de force de travail productive. Et les rapports entre salaire et profit sont en rapport inverse : l'un baisse quand l'autre s’accroît.
A l'échelle macroscopique, ces rapports sont clairement identifiables, et soulignent des intérêts diamétralement opposés entre le capital et le travail salarié. Même en cas d'accroissement du capital, et d'accroissement du salaire (nominal), si le profit augmente, c'est que le salaire relatif, lui, diminue : et l'asservissement du travail salarié au capital augmente d'autant.
5 : Le cercle vicieux provoqué par le capitalisme
Le chapitre présente quelques exemples parlants et fait office de conclusion au propos. Il est très instructif et mérite la lecture à lui seul (et autant de relectures qu'il nous plaira).
Dans une première partie, l'auteur fait la démonstration du fonctionnement concurrentiel du capitalisme :
Toujours plus...
- La recherche du profit et de la réduction des coûts de production (nouveaux) par rapport aux anciens coûts de production ;
- provoque la concurrence entre capitalistes ;
- entraîne par conséquent la baisse du prix des marchandises en-dessous de leurs coûts anciens de production mais aussi de leurs nouveaux coûts ;
- qui nécessite donc d'améliorer encore d'autant la production (en divisant le travail en parts toujours plus petites, rendant l'ouvrier toujours plus dépendant du capital).
- et déclenche la nécessité d'écouler toujours plus de marchandises.
- Citons notamment :
La division du travail entraîne nécessairement une division du travail encore plus grande, l'emploi des machines, un plus grand emploi des machines, le travail à une grande échelle, le travail à une échelle plus grande
- Et :
Représentons-nous maintenant cette agitation fiévreuse simultanément sur le marché mondial tout entier, et nous comprendrons comment la croissance, l’accumulation et la concentration du capital ont pour conséquence une division du travail ininterrompue, de plus en plus précipitée et exécutée à une échelle toujours plus gigantesque, l'emploi de nouvelles machines et le perfectionnement des anciennes.
La concurrence entre ouvriers
La division continue du travail a un certain nombre de conséquences :
- Un ouvrier produit maintenant ce que faisait 5, 10 ou 20 ouvriers avant lui, ce qui provoque de facto une concurrence entre ouvriers eux-mêmes ;
- La division du travail a tendance aussi à le simplifier. L'habileté d'un ouvrier passe au second plan et le travail ouvrier perd donc de sa valeur ;
- L'intérêt du travail diminue, à mesure qu'il apporte moins de satisfaction et plus de dégoût.
In fine, l'ouvrier cherche à travailler plus, soit en réalisant plus d'heures, soit en étant plus productif. Cette fuite en avant, poussée par la peur de la misère, ne peut avoir qu'une conséquence : une éternelle concurrence vis-à-vis des autres ouvriers.
En dernière analyse, il se fait concurrence à lui-même, à lui-même en tant que membre de la classe ouvrière.
Ensuite, le machinisme produit les mêmes effets à une échelle bien plus grande, remplaçant les adultes par les enfants, les ouvriers compétents par des ouvriers malhabiles. L'auteur définit la guerre industrielle...
qui a ceci de particulier que les batailles y sont moins gagnées par le recrutement que par le congédiement de l'armée ouvrière. Les généraux, les capitalistes, rivalisent entre eux à qui pourra licencier le plus de soldats d'industrie.
Enfin, l'argument capitaliste est d'affirmer que de nouvelles branches d'occupation apparaissent, ce qui compenserait la masse des ouvriers rendus superflus et remerciés. On se gardera bien d'affirmer que ce sont les mêmes, ce qui serait un trop gros mensonge. Mais au-delà du fait que cela n'arrange pas les affaires des ouvriers jetés sur le pavé, cela ne fait qu'ouvrir à une nouvelle branche de nouveaux jeunes ouvriers susceptibles d'intégrer le même cercle présenté plus haut. Ouverture nécessaire, puisque le capital ne peut exister que s'il a la classe des salariés face à lui pour se définir en tant que capital.
Le livre s'achève sur ces quelques points et résumés, et sur ces mots :
(À suivre)
Sources
- ↑ Travail salarié et capital, suivi de Salaire, prix et profit : https://www.decitre.fr/livres/travail-salarie-et-capital-9782912639417.html