Retraites et réforme Macron - 2023
Cette page se base sur les excellentes informations fournies par Heu?reka (Gilles Mitteau[1]). On peut la voir comme un résumé de la vidéo, et j'espère qu'elle n'est pas considérée comme un plagiat ou un vol. Si vous considérez que tel est le cas, n'hésitez pas à me faire signe. Vous trouverez la vidéo ici.
...% de PIB
Que dit le COR (Conseil d'Orientation des Retraites) ?
Le COR parle de poids des retraites en pourcentage de PIB jusqu'en 2070. Il n'est pas utile de parler en milliards d'euros, la notion de pourcentage est tout de même plus pertinente.
Plusieurs scénarios se dégagent suivant les hypothèses du COR, mais placent la part des retraites en fonction du PIB en 2070 entre 12.1% et 14.7% de PIB (suivant, respectivement, que le PIB augmente de 1.6% ou 0.7%)
Le PIB, un indicateur pertinent ?
Notons que le PIB est le seul indicateur apparent dans cette analyse, et qu'il s'agit d'un premier prisme politique : on pourrait très bien choisir d'autres indicateurs pour essayer d'évaluer l'apport de nos retraités à la société (par exemple, Bernard Friot dissocie la notion de travail et d'emploi, considérant que les retraités travaillent. Ils sont souvent en associations, sont à l'écoute de la famille, peuvent garder les enfants, organiser des réunions familiales, ...). Les retraités ne sont donc pas seulement des "coûts en pourcentage de PIB", car ils apportent beaucoup à la société, de manière non-quantifiée financièrement.
Recettes versus dépenses
Les revenus du travail et du capital permettent de cotiser dans les caisses sociales, dont les caisses de retraite.
- Si les recettes sont supérieures aux dépenses, il y a un surplus qui n'inquiète personne (elles peuvent alimenter une caisse de trésorerie, par exemple, mais les autres solutions sont nombreuses)
- Si les recettes sont en revanche inférieures :
- L’État compense (ou aide, temporairement ou non, une ou plusieurs caisses de retraite : exemple aujourd'hui de la caisse de retraite des fonctionnaires) ;
- Les caisses de retraite peuvent puiser dans leurs réserves ;
- Les caisses de retraite peuvent emprunter sur les marchés financiers.
A retenir
La part des dépenses en pourcentage de PIB n'est pas prévue d'exploser d'ici à 2070. On a déjà par le passé alloué cette proportion, et certains scénarios montrent même une diminution de cette part.
Cela peut paraître contre-intuitif, mais bien que la population vieillisse progressivement sur la projection, cette augmentation de dépenses de retraites futures à attendre sera contre-balancée par :
- D'une part le recul de l'âge de départ à la retraite du fait de réformes déjà votées ;
- D'autre part par la moindre augmentation du niveau de vie des retraités relativement aux actifs
Pour compléter, on peut également ajouter ceci :
- Le rapport démographique des populations jeunes rapporté aux plus âgés se stabilise (voire diminue)
- La productivité du travail augmente (nouvelles technologies, amélioration des méthodes de travail, ...)
- ... Ces phénomènes peuvent facilement expliquer cette dépense contenue des retraites pour les ~50 prochaines années.
Redisons-le, les dépenses des retraites ne vont pas exploser d'ici à 2070
Deux questions importantes
Quel que soit le scénario retenu, on en revient à la question politique primaire : quelle part (pourcentage) de PIB sommes-nous prêts à allouer aux retraites ? Et l'autre question qui découle des constats précédents : d'où viennent les revenus qui alimentent les caisses de retraite ?
Budgets
Pourquoi parler budgets ?
On le verra plus loin, mais il est intéressant à ce stade de s'intéresser aux recettes de l’État et des caisses de retraites. On pourra ainsi voir quelle part de la population intervient dans chacun de ces budgets, ce qui sera important pour la suite.
Budget de l’État en 2018
En 2018, le budget de l’État, c'était 386 Milliards d'euros :
- TVA : 40.6%
- Impôts sur le revenu : 20.2%
- Déficit (épargne + création monétaire) : 13.4%
- Impôts sur les sociétés : 7.1%
- TICPE : 4.8%
- Amendes : 2.5%
- Autres-divers : 11.5%
NOTA : ces chiffres proviennent du compte général de l’État 2018 (CGE 2018), lui-même cité dans une vidéo d'Heu?reka. Je n'ai pas su retrouver ces chiffres exacts du fait de mon peu d'expérience, même si j'arrive à voir des proportions qui me semblent similaires dans le CGE 2018 trouvable sur le net. La ou le wikinaute attentif pourra aller regarder d'elle-même ou de lui-même pour se faire sa propre idée.
Budget caisses de retraites 2021
En 2021, les revenus des caisses de retraite, c'était :
- Revenus d'activité : 89.8%
- Consommation : 2.7%
- Revenus du capital : 4.1 %
- Retraites elles-mêmes : 3.4 %
- Ce dernier point parait contre-intuitif, il est issu des prélèvements obligatoires sur les retraites (CSG, CRDS, CASA, Assurance-maladie), dont une partie sert ... à financer les retraites
Déficit ?
Des dépenses, et des recettes
On l'a vu plus haut, la part des retraites dans le PIB selon diverses projections du COR ne devrait pas exploser. De fait, il est important de noter deux choses à ce stade :
- Si les dépenses n'ont pas vocation à augmenter outre mesure, c'est que les recettes, elles, ne vont pas suivre ;
- Si l'on veut absolument utiliser le terme de déficit, c'est parce que l'on veut absolument que les caisses de retraites soient auto-suffisantes (et que l'on ne souhaite pas que l’État compense quoi que ce soit, ce qu'il fait pourtant déjà dans certains cas, par exemple pour les caisses de retraite des fonctionnaires)
Pourquoi moins de recettes ?
Il y a plusieurs raisons principales à la baisse des recettes dans les budgets des caisses de retraite :
- L’État choisit de rémunérer les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers par primes plutôt que par salaires, ce qui entraîne de facto une baisse des cotisations retraite (cela représente 3 millions d'employés, soit 10% des actifs). Ce choix a un impact fort sur la période 2022-2027 ;
- Sur les 5 années qui suivent (2028-2032), c'est l'augmentation du taux de chômage qui explique la baisse des recettes. Le COR préfère en effet appliquer son estimation (7% de taux de chômage) plutôt que d'appliquer l'estimation du gouvernement (4.5%), qui lui est imposée. Le COR réalise donc une sorte d'augmentation artificielle du taux de chômage pour retrouver sa propre hypothèse ;
- Sur les 25 années qui suivent, c'est plutôt le choix de convention comptable qui l'explique (convention EPR : Équilibre Permanent des Régimes plutôt qu'EEC : Effort de l’État Constant). C'est le choix délibéré de l’État de ne pas compenser les cotisations trop faibles (aujourd'hui, il le fait sur des caisses de retraite (on parle de subvention d'équilibre) allouées aux régimes spéciaux et aux retraites des fonctionnaires, qui vont progressivement se résorber - depuis 2004, cette dépense représente environ 2% de PIB). Le fait qu'il reporte ce budget sur une ou d'autre(s) caisse(s) de retraite (en particulier le régime général des retraites du privé) décide du choix d'une convention sur une autre. Et la volonté politique affichée est de ne pas apporter cette compensation. En d'autres termes moins techniques, cette baisse de recette représente la volonté de l’État de ne pas compenser les déficits éventuels dans les caisses de retraite (convention EPR), contrairement à ce qu'il a pu faire par le passé (convention EEC).
A titre indicatif, voici la différence des soldes suivant la convention choisie :
La réforme
Reculer l'âge de la retraite
Le recul de l'âge minimal de départ à la retraite à taux plein permet de jouer sur plusieurs tableaux :
- Il augmente les recettes des caisses de retraite, puisque les actifs que l'on aurait pu voir en retraite vont, finalement, encore cotiser ;
- Il réduit les dépenses puisque les mêmes qui auraient bénéficié de leur retraite ne la consomment pas encore, étant encore actifs.
Des hypothèses
Notons que tout ce qui a été dit ici permet un raisonnement, et aide à la décision. Il ne s'agit néanmoins que de modèles, qui reposent notamment sur des hypothèses (sur du long terme qui plus est) et des facteurs nombreux. Qui peut dire à quoi ressemblera notre société en 2070, ni même si nous serons toujours là ?
Qui peut se targuer de tout pouvoir analyser quand on sait que ces modèles reposent sur les évolutions du PIB, du taux de chômage, de la productivité au travail, des salaires dont le SMIC, des cotisations sociales, de la durée du travail, de la démographie, de l'inflation, ...
Voici par exemple les évolutions des scénarios du COR proposés, et la réalité :
Avant tout, une idéologie politique
Le gouvernement actuel
Prenons un instant pour préciser la volonté gouvernementale justifiant cette réforme (et probablement tout ou partie des réformes passées).
- Le choix de convention EPR (plutôt qu'EEC, abordé rapidement dans un chapitre précédent) représente bien la volonté de limiter l'allocation du budget de l’État dans les caisses de retraites, et de séparer les deux univers. Les retraites sont financées par les actifs via leurs cotisations (rappelons-le, à près de 90%). Allouer du budget de l’État aux caisses de retraites, c'est reporter une partie de cette tâche aux consommateurs, et in fine, à une part plus grande de la population ;
- Le choix du recul de l'âge de la retraite plutôt qu'une autre méthode est, au moins, double :
- Il permet d'éviter d'augmenter les cotisations des actifs, tant pour le patronat que les autres ;
- Il permet d'éviter une taxation supplémentaire qui pourrait peser sur les actifs et les entreprises
D'autres points de vue
Il existe de multiples autres façons de voir :
- On pourrait imaginer qu'en ayant une politique défendant l'égalité salariale, les femmes pourraient gagner mieux, et donc, cotiser plus ;
- On pourrait imaginer que l'on ne taxerait que les hauts salaires, pour éviter d'avoir une explosion du chômage et donc une croissance plus faible ;
- On pourrait imaginer taxer plus les revenus du capital, là encore, sans impact négatif fort et direct sur l'emploi ;
- On pourrait imaginer une politique de natalité forte ;
- On pourrait arguer du fait qu'une retraite forte, c'est aussi des consommateurs éventuels ;
- On pourrait imaginer conserver la convention comptable EEC plutôt qu'EPR, et donc continuer d'allouer 2% de PIB pour les retraites (plutôt que de réduire progressivement à ~0.8% de PIB en 2070) ;
- On pourrait également considérer que les caisses de retraite peuvent puiser dans leurs réserves, voire puiser dans les caisses d'autres régimes ;
- On pourrait imaginer que 15% de PIB ce n'est même pas encore assez pour les retraités ;
- ...
Nous l'avons dit plus haut, nous le redisons ici, il s'agit avant tout d'un choix politique, et au-delà, d'un choix de société.
Sources
- ↑ Gilles Mitteau : https://fr.wikipedia.org/wiki/Gilles_Mitteau
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