Histoire de l'Économie - I - Capitalisme et main invisible - Avant 1820

De Notes Economiques et Politiques

Cette page repose dans son découpage en grande partie sur la très instructive bande dessinée : Economix[1]

Définition du capitalisme

Le capital représente les biens capitaux, c'est à dire ce qui va nous permettre de fabriquer l'objet ou le service final que l'on vendra (ce sont donc les outils, les usines, les terres, ...) ou l'argent que l'on va dépenser pour des biens capitaux. On appelle alors cela un investissement. L'investissement a pour but de permettre de vendre plus cher que son coût de fabrication l'objet ou le service final, ce que l'on appelle un profit. Un capitaliste est quelqu'un qui cherche à faire du profit (notons qu'il n'est pas obligé d'investir son propre argent, il peut investir de l'argent qu'on lui prête, moyennant des intérêts). Un capitaliste est donc quelqu'un qui prend un risque, plus ou moins important, en investissant de l'argent, et cherche à dégager un profit suite à cet investissement.

XVIIème Siècle - Contexte historique, Hollandais, et Colbert

Au XVIIème siècle, être capitaliste est risqué. Les valeurs de l'époque reposent sur la tradition, et la tradition veut que l'état d'esprit soit à l'épargne (l'inverse même de l'investissement), du fait de l'incertitude de l'avenir. Néanmoins, les Hollandais ont pris avant les autres le virage capitaliste, notamment par l'intermédiaire du développement des banques et des assurances, qui réduisent de beaucoup les risques des investissements. Les voilà donc qui dominent la scène économique de l'époque. En France, cela ne plait pas forcément à Jean-Baptiste Colbert qui pense que la puissance nationale repose sur la quantité d'argent qu'elle possède (son stock). Il souhaite contrôler les rapports marchands, on parle de mercantilisme, et il met en place des mesures destinées à restreindre la mainmise des Hollandais sur les richesses françaises (protectionnisme aux frontières, contrôle de la production nationale).

Cette méthode est efficace, et c'est le déclin des Hollandais. Les Anglais et Français se battent alors pour gagner la place laissée vacante.

Début du XVIIIème siècle - Laissez-faire

Les taxes en France rapportent à peine plus que les taxes britanniques, pour une population pourtant 3 fois plus grande. Certains s'interrogent. En particulier, François Quesnay, s'intéresse à la notion de circulation de l'argent plutôt qu'à son simple stock, comme le sang qui circule dans nos veines. Cette nouvelle façon de penser l'économie fonde la base d'une nouvelle discipline : l'économie politique pensée par des économistes (appelés également physiocrates) et elle repose sur la théorie que c'est la circulation des capitaux qui crée la richesse réelle, et elle prône donc le laissez faire et le laissez passer.

XVIIIème siècle - Un nom important apparaît : Adam Smith

La Main invisible

Néanmoins, ces réflexions reposent sur des modèles qui n'expliquent que très partiellement les circulations/flux de l'époque (par exemple, en France où ce courant de pensée est né, on se focalise surtout sur l'agriculture, qui est la base de l'économie nationale). Le capitalisme sera étudié et défini de manière bien plus précise par un économiste : Adam Smith, qui verra notamment le tournant industriel de l'époque, lui qui vient d'Écosse.

Nous tenterons de résumer ici une pensée[2] qui a traversé des siècles, et invitons les wikinautes curieux à compléter leur lecture ici avec d'autres sources qu'elles ou ils jugeront pertinentes. La réflexion pourrait se résumer grossièrement ainsi :

  • La provenance de la richesse, propose Smith, tient entre autres à la division du travail (chaque travailleur se consacre à sa tâche précise, et plus on divise le travail, plus le travailleur peut se concentrer sur sa tâche et donc produire ce qu'il doit produire efficacement) ;
  • Cela fonctionne de manière assez évidente dans un atelier coordonné par un superviseur, ou un contre-maître, qui organise le travail ;
  • Mais comment cela fonctionne-t-il chez tous les artisans, les fabricants ? Qu'est-ce qui retient et empêche les abus ?
    • La réponse tient, selon Smith, à l'existence de la concurrence. Ainsi, un boulanger qui vendrait son pain trop cher se verrait tout simplement rattrapé par la concurrence ;
    • Quand bien même le boulanger serait seul sur le marché, tout autre artisan pourrait y voir une aubaine s'il vendait son pain beaucoup trop cher, et tenterait de se placer sur le marché ;
    • De la même manière, les fournisseurs de ce boulanger seraient soumis à cette même logique, et ne pourraient donc pas vendre leurs matières premières trop chères, sous peine de voir leur client boulanger partir à la concurrence ;
  • In fine, le prix d'un article serait, plus ou moins, le prix de sa propriété, du travail et du capital investi, en résumé, son coût pour la société.

La pensée va même plus loin, en constatant qu'essayer de le réguler (par des lois et par l’État) serait très probablement moins efficace que de laisser les échanges suivre leur cours ; Adam Smith parle de la Main invisible. Il pense en effet que la tendance du marché est de s'autoréguler, et propose des exemples montrant que les choix de régulations et les règles sont vouées à l'échec, et il pense qu'il vaut mieux laisser les gens raisonnablement libres.

Nous voici à nouveau alignés sur les concepts de Laissez faire, mais théorisés et rassemblés en une œuvre (Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations - 1776), et qui constitue, vous l'aurez peut-être reconnue, la base de la pensée économique actuelle.

Le message oublié d'Adam Smith

Néanmoins, une partie du message d'Adam Smith a été oublié au fil du temps, et il faut rappeler quelques points parmi ceux-ci :

  • Le gouvernement n'est pas inutile, notamment parce qu'il est le garant de la fourniture de biens publics, qu'il est le seul à pouvoir ou vouloir offrir :
    • Il doit établir des normes relatives à l'éducation ;
    • Contribuer à la santé ;
    • Pourvoir aux services sanitaires et au nettoyage des rues en Angleterre ;
  • Mais sur le marché économique également, il doit être présent :
    • Le gouvernement doit favoriser les industries liées à la guerre (dans le contexte de l'époque, ce service devait pouvoir fonctionner parfaitement) ;
    • Il doit protéger les salariés (parce que ceux-ci ont moins de pouvoir de négociation que leurs employeurs) ;
    • Il doit veiller à la probité des banques ;
    • Il doit protéger les nouvelles industries jusqu'à ce qu'elles soient suffisamment solides ;
    • Il doit enfin plafonner le taux d'intérêt (comprendre ici, le taux d'intérêt d'un investissement, donc, ce qu'il rapporte)

En particulier, Adam Smith considérait qu'au-delà de taux d'intérêts bas, le profit devait être bas également. Il avait déjà stipulé qu'on ne pouvait avoir une société avec de gros profits et de gros salaires en même temps, et qu'une écrasante majorité des gens étaient des travailleurs, donc dépendant de leur force de travail et de leur salaire pour pouvoir vivre. De même, il estimait que les prix devaient être bas, car une élévation des prix sans évolution salariale revient à rendre les salaires bas.

Enfin, il avait compris le danger des gros capitalistes et des monopoles, et les redoutait plus que tout. Il avait donc peur de l'interventionnisme de l’État qui, à l'époque, favorisait certains monopoles (l'exemple typique de la Compagnie britannique des Indes orientales), et pensait que le libre marché permettrait justement d'arrêter ce genre de créations (appelées à l'époque des corporations). C'est un message qui s'est effacé avec le temps si l'on considère le néolibéralisme actuel, et qui pourtant véhicule une idée importante et complémentaire à la main invisible.

La proposition de toute nouvelle loi ou règlement de commerce, qui part [des capitalistes], doit toujours être écoutée avec beaucoup de précaution, et ne doit jamais être adoptée qu'après avoir été longtemps et sérieusement examinée, non seulement avec le plus grand scrupule, mais avec la plus grande défiance. Elle vient d'un ordre d'hommes dont l'intérêt n'est jamais exactement le même que celui du public, qui généralement est intéressé à tromper et même à opprimer le public, et qui, dans bien des occasions, n'a pas manqué de le tromper et de l'opprimer.


Apparté : Corporations, Révolutions

Actions, dividendes

On l'a évoqué dans notre chapitre précédent, les corporations représentent la mise en commun d'investissements capitalistes afin d'avoir un poids plus conséquent qu'une petite entreprise ayant des investissements moindres. Déjà à l'époque, on voit la notion de propriétaires de parts de l'entreprise, qu'on appelle des actionnaires (tiens donc :-)), qui vont pouvoir éventuellement se partager des profits de l'entreprise (tout ce qui n'est pas réinvesti en tout cas). On parle de dividendes.

Mercantilisme

Au XVIIIème siècle, les corporations bénéficient souvent de lois mercantilistes (un protectionnisme d’État leur assure une stabilité certaine). Ce qui a fonctionné du temps de Colbert fait maintenant des mécontents, car ces lois peuvent tuer toute concurrence, ou contraindre les populations à payer des taxes qu'ils peuvent parfois trouver injustes.

Sources