Histoire de l'Économie - III - La concentration du capital - 1865-1914

De Notes Economiques et Politiques

PAGE EN COURS DE CONSTRUCTION

Cette page repose dans son découpage comme son contenu en grande partie sur la très instructive bande dessinée : Economix[1]. Elle est centrée sur la deuxième moitié du XIXème siècle, puis se poursuit jusqu'au début du conflit mondial de 1914. Elle fait suite à la page Histoire de l’Économie - partie 2

L'avènement des grosses entreprises au XIXème siècle

Le chemin de fer américain

Nous l'avons dit dans le volet précédent dédié à la révolution industrielle, le temps est à la révolution industrielle. Une des principales références qui vient à l'esprit quand on s'y attarde et le chemin de fer. A cette époque, c'est un grand boom, et l'occasion pour les Américains d'accélérer les transports de gens et de marchandises sur de plus grandes distances.

Les subventions du gouvernement fédéral, comme celles des Etats eux-mêmes, sont distribuées aux compagnies privées de chemin de fer, qui se retrouvent, de facto, en situation monopolistique (une fois qu'une ligne est construite, personne ne va s'amuser à en construire une autre juste à côté). Adam Smith les avait déjà dénoncées dans son œuvre, mais voilà que la révolution industrielle les pousse encore plus.

Ce modèle se retrouve dans plusieurs autres secteurs d'activité, dès lors que les économies d'échelle sont possibles (c'est à dire quand une entreprise est suffisamment puissante pour produire à moindre coût unitaire ses marchandises). Cela suppose un plus fort apport initial, mais conduit ensuite à un marché lucratif, et crée un effet boule de neige :

  • L'entreprise réalise ses bénéfices pour rembourser son apport de capital initial ;
  • Elle peut donc grossir encore plus et améliorer ses économies d'échelle ;
  • Et si elle a grossi suffisamment, elle peut tout simplement écraser la concurrence.

Les monopoles et les monopsones

A l'époque, les entreprises qui se retrouvent en situation de monopole (parfois quasi exclusif, comme a pu l'être la Standard Oil Company[2] de John D. Rockefeller[3]) y parviennent de deux façons :

  • Des subventions les ont placés de facto dans cette situation (comme les compagnies de chemin de fer dont nous parlions au chapitre précédent) ;
  • Les sociétés les plus riches ont su racheter leurs concurrents et réaliser de considérables économies d'échelle qui leur ont permis d'avoir la main-mise sur la part la plus belle de leur marché.

C'est d'autant plus vrai en 1873, qui voit arriver une grande crise (qui perdurera dans une dépression sans précédent pendant presque 20 ans[4] ... On peut citer ainsi des monopoles dans le domaine du chemin de fer (Stanford, Vanderbilt), de la banque, du tabac, de l'acier, des machines agricoles, de la viande, ...)

Certaines de ces entreprises deviennent des monopoles ou quasi-monopoles, mais aussi des monopsones (c'est à dire des acheteurs uniques d'une marchandise), ce qui leur permet également de dicter le prix d'achat de leurs matières premières. De plus, les moyens de ces énormes entités sont conséquents. C'est l'occasion pour elles de contrôler l'ensemble de la chaîne de production par exemple, ou encore de se diversifier (dans les années 1890 les corporations se retrouvent en effet avec l'autorisation d'entrer au capital d'autres entreprises/corporations, leur permettant d'in fine, les contrôler).


Nous avons noté dans un volet précédent qu'Adam Smith proposait de se méfier des monopoles, et avait notamment proposé que l’État n'intervienne pas. De son temps, l’État avait, par une politique mercantiliste, provoqué la création de corporations. Nul doute que le non-interventionnisme de l’État pour éviter ces monopoles n'est plus vraiment dans la lignée directe de ses écrits. D'autant que la révolution industrielle apporte une sorte de stabilité aux plus grosses corporations du fait de l'amélioration de leur réactivité et leur diversification, qui leur permet un contrôle conséquent sur les marchés, ce dont Adam Smith se méfiait particulièrement.


La période J.P. Morgan et les barons voleurs

Une économie mixte ?

C'est l'époque de l'accumulation de richesses concentrées dans peu de mains. Ainsi, J.P. Morgan, un riche banquier de Wall Street applique une méthode que les wikinautes attentifs reconnaîtront sûrement : il prônait la fusion des industries d'un même secteur pour créer des corporations géantes, des trusts, et en conservait le contrôle une fois ceux-ci créés. On arrive à des concepts paradoxaux qu'il faut avoir en tête :

  • JP Morgan et d'autres défendent l'ordre, l'organisation et la coopération, pour se détacher des conditions chaotiques du [libre marché]. Ces acteurs très riches de l'époque ne défendent donc pas un libre marché, et prônent plutôt une coopération et une organisation planifiée...
  • L'époque ressemble donc à une économie mixte, mêlant petites structures (entreprises, fermes, ...) et grosses entreprises au modèle très organisé, comme une sorte de socialisme. Mais cette organisation n'est pas orchestrée par les travailleurs, et l'économie se retrouve gérée (chouette !), mais par quelques uns (moins chouette) et certainement pas dans l'intérêt du public ou du plus grand nombre (encore moins chouette). Citons JP Morgan : Je ne dois rien au public

Inégalités

C'est à cette époque que l'on voit poindre une poignée d'ultra-riches (JP Morgan, John D Rockefeller (premier milliardaire du monde), Cornelius Vanderbilt (riche industriel du chemin de fer), ...), tellement riches qu'ils ne peuvent même pas dépenser toute leur fortune et meurent en léguant des fortunes à leurs héritiers, créant en peu de temps une classe dominante concentrant pouvoir et argent. On leur donnera le nom de barons voleurs.

L’État ne fera rien pour endiguer la tendance :

  • Droits de douane sur les produits étrangers faisant concurrence aux grosses industries ;
  • Politique d'immigration laissant venir les ouvriers étrangers (qui acceptent les conditions de travail les plus dures, ne parlent pas toujours la même langue, et ne peuvent pas voter) ;
  • Politique foncière facilitant les exploitations minières, forestières, agricoles sur des terrains publics (à coûts très avantageux) ;
  • Politique étrangère soutenant les intérêts américains à l'extérieur (l'impérialisme états-unien trouve ses racines ici)

On verra même émerger un concept, détournant la théorie de l'évolution de Darwin, appelée darwinisme social[5] (approximativement 1859). Je n'ai pu m'empêcher d'y voir la continuité du raisonnement malthusien, je dois admettre (voir la partie I de cette grande chronologie). Elle pourrait se résumer en ces termes : la théorie de l'évolution fait primer les meilleurs. Et selon toute vraisemblance, les plus riches sont les meilleurs. Les pauvres ne sont donc que des évolutions inadaptées et ratées de la nature. Il n'est pas surprenant que Darwin n'ait pas été apprécié à cette époque, en particulier dans le monde agricole, quand bien même il s'agit d'une position qu'il n'a jamais tenue, lui.

L'exode vers les villes et les conditions de travail

La crise agricole

Malgré l'envolée des richesses chez certains, la vie n'est pas rose partout. L'accumulation de richesses d'un côté s'accompagne d'un accroissement de la pauvreté de l'autre. En particulier, on assiste à une crise du monde fermier et agricole, alors même qu'au début du XVIIIème siècle on les avait quittés dans un état de relative stabilité.

En effet, en 1862, Abraham Lincoln ratifie une loi (Homestead Act) sur la propriété fermière[6], qui consiste à céder à des prix très raisonnables des terres agricoles aux occupants desdites terres (ainsi, chaque famille pouvant prouver qu'elle réside depuis au moins 5 ans sur des terres pouvaient en revendiquer la propriété privée - et si elle y était depuis au moins 6 mois, pouvait les acheter à prix bas). C'est une aubaine, et les progrès techniques de l'époque font espérer à beaucoup un futur radieux.

Malheureusement :

  • Le fort afflux d'immigrants flairant la bonne affaire ;
  • Le manque d’élasticité du marché de la nourriture (la demande en nourriture varie peu, et dépend simplement du nombre de personnes en ayant besoin, ce qui provoque, dans un contexte de surproduction, une logique baisse des prix) ;
  • Et la contrainte des dépenses nécessaires à cette production (à des prix fixés par des trusts qui n'ont d'autre priorité que de faire des bénéfices considérables, puisqu'aux mains des seuls barons voleurs...)

... vont finalement conduire les fermiers à la ruine, et à s'adapter à une société en pleine mutation. Leur métier va changer, ils vont devenir ouvriers, et se tourner vers le marché du travail en se rapprochant des villes et des usines.

Les conditions de travail

Sauf qu'en ville, l'afflux d'ouvriers provoque une concurrence entre eux. Les ouvriers étrangers, grâce à une politique migratoire favorable comme on l'a lu plus tôt, sont en concurrence avec les anciens fermiers, et les ouvriers déjà présents. Et maintenant que les terres sont presque toutes attribuées, l'ouvrier n'a plus le moyen de pression qui lui permettait de menacer d'aller gagner sa vie ailleurs, en exploitant sa ferme.

On assiste donc à un renversement des rapports de force, qui avait déjà commencé au début du XIXème siècle, et qui conduit à des conditions de travail déplorables chez les travailleurs, et ce, dans tous les pays où se développent l'industrie et les grandes entreprises. Les gouvernements états-uniens successifs ne font pas grand chose pour inverser la vapeur, malgré une tentative en 1890, via la loi Sherman[7] (loi anti-trust, visant à rendre illégale toute association visant à restreindre le commerce (comprendre : les monopoles ont tendance à restreindre le commerce entre multitudes de parties)), mais qui permettra surtout, à ses débuts, de taper encore plus sur les syndicats de travailleurs (qui se voient accusés d'"association visant à restreindre le commerce" et à qui l'on opposera régulièrement des milices privées payées par les grands patrons, et parfois, l'armée elle-même).

"Ce n'est plus un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, c'est un gouvernement des corporations, par les corporations et pour les corporations." - Rutherford Hayes (Président républicain 1877-1881)

L'ère Theodore Roosevelt & William Howard Taft

Mais la crise ne passe pas inaperçu, les mécontentements grandissent, notamment grâce au travail des journalistes d'investigation, les fouille-merde[8] (en anglais, les muckrakers, les remueurs de boue) qui dénonceront les conditions de travail des ouvriers, ou de logement des plus pauvres, la situation de monopole de la Standard Oil, le conditionnement de la viande, ...etc.

Arrive alors au pouvoir Theodore Roosevelt[9] (dit Teddy Roosevelt) qui deviendra l'une des plus importantes figures de l'ère progressiste aux États-Unis, et fera de la lutte contre les trusts une de ses priorités. Il mettra en place deux concepts à retenir :

  • Le Square Deal[10] :
    • Conservation des ressources naturelles
    • Contrôle des corporations
    • Protection du consommateur
    • Ce qu'en anglais on appelle les 3 'C', et qui visera à améliorer la qualité de vie de la classe moyenne en luttant contre la ploutocratie[11]
  • Le Big Stick :
    • Le nom de la doctrine qui pilote l'ensemble de la politique intérieure et extérieur des USA, en lui attribuant un rôle de gendarme de l'ensemble du continent Américain (au grand dam, parfois, des autres nations du continent)
    • Notons que sur cette partie, mon point de vue, étayé par des vidéos que j'ai pu voir et l'article Wikipedia traitant du Big Stick diverge, je crois, de la notion qui apparaît dans Economix, qui semble comparer le big stick à un bâton permettant de taper sur les trusts. De ma compréhension, le bâton a surtout permis d'asseoir l'impérialisme états-uniens sur son continent.

Quelques écoles économistes

Économie mixte

Progressistes

Socialistes

Anarchistes

Les écrits de Thorstein Veblen

La catastrophe

Sources