Politest - I - Les impôts

De Notes Economiques et Politiques

Cette page provient du Politest, qui est un test en ligne créé par Laurent Cald[1]

Je mets ici la première question associée au test, et j'essaie d'y apporter un éclairage personnel via des réponses.

Les impôts (1/12)

Sur ce point, à moins de l'avoir précisé autrement, j'ai compris le terme d'impôt dans sa définition la plus vaste et la plus globale (donc les cotisations sociales, les taxes et les prélèvements)

1. Il faut baisser les impôts pour tous quand l’État en a les moyens, et les augmenter pour tous quand c'est nécessaire

Je comprends l'idée qui consiste à dire que si les impôts grèvent les budgets de chacun, alors que l’État est en situation de budget excédentaire, on se retrouve dans une situation contre-productive. A l'inverse, si l’État n'a pas assez de moyens pour garantir ses services nécessaires, il paraît normal d'augmenter les impôts, et ce, pour tous, dans un souci d'effort commun ;

Cependant, il s'agit alors de définir ce qui relève des activités de l’État, dans quelle mesure on considère que son budget est excédentaire ("l’État en a les moyens"), et dans quelle mesure on baisse et on augmente les impôts "pour tous" ?

Je n'ai peut-être pas suffisamment lu, mais j'ai du mal à m'imaginer qu' une telle solution fonctionne effectivement. Elle me semble éluder ce qu'il est nécessaire d'aborder : quand est-ce qu'un État a les moyens, comment répartit-on l'effort de l'impôt (d'autant que l'impôt, c'est des taxes, des cotisations sociales, et des prélèvements (eux-mêmes progressifs ou proportionnels), donc un calcul complexe qui dépendra des choix idéologiques et politiques de l'époque) ?

2. Il faut une baisse générale des impôts pour permettre aux entreprises et aux particuliers d'investir plus d'argent dans l'économie, afin de créer davantage d'emplois

J'ai plein de critiques sur cette assertion qui me viennent en tête :

  • J'ai le sentiment (étayé par de nombreux exemples) que lorsque l'on a dans notre histoire contemporaine) poussé dans cette direction, on n'a pas vu l'emploi stable et durable augmenter, mais plutôt les inégalités s'accentuer[2] ;
  • Lorsque les ménages les plus aisés investissent, ils se tournent vers le monde de la finance, et de la Bourse, dont la majeure partie des titres ne sont pas liés à des IPO (Introduction en Bourse d'actions, qu'une entreprise réalise afin de bénéficier de fonds, pour du réel investissement) mais à des actions anciennement émises (dont l'effet est donc déjà consommé par l'entreprise), et qui ne servent donc pas l'investissement, mais qui permettent uniquement de spéculer entre "investisseurs"/actionnaires. Avoir plus d'argent n'entraîne pas mathématiquement un meilleur investissement d'argent dans l'économie ;
  • Par extension, l'afflux de monnaie que l'on imagine ne crée pas de facto pléthore d'emplois. L'exemple du CICE (Crédit Impôt Compétitivité Emploi) est flagrant, et illustre de manière criante le coût de ce genre de mesures qui en général n'apporte pas du tout le résultat escompté[3]. Selon moi, ne pas contraindre et demander des garanties aux entreprises et aux particuliers qui bénéficient de ce type de dispositifs revient à faire des cadeaux à ceux qui peuvent se permettre d'y prétendre (et ceux qui en bénéficient le plus sont souvent les plus aisés), sans la contrepartie attendue ;
  • La théorie du ruissellement (ou du premier de cordée) a été maintes fois contredite[4].

En revanche, deux points sont intéressants à noter :

  • La baisse des impôts sur les plus pauvres connaît une relation importante avec la création d'emploi (selon une étude de 2019[5] par exemple). Cette piste peut donc être intéressante à creuser, mais là encore, en se concentrant sur la répartition des impôts ;
  • Il me paraît logique de penser que si les acteurs économiques que sont les entreprises et les particuliers, en payant moins d'impôts, peuvent donc dépenser plus selon leur bon vouloir, ils vont de facto consommer plus, et cela devrait avoir deux effets bénéfiques :
    • La consommation participe à l'économie ;
    • Les taxes à la consommation devraient rapporter plus, du fait d'une consommation plus importantes.

In fine, il me semble que les études économiques indépendantes, c'est à dire qui tentent d'étudier les faits plutôt que d'être teintées d'idéologie, montrent que ce type de démarche n'apporte pas plus d'emplois stables, mais a plutôt tendance à précariser l'emploi et accentuer les inégalités.

3. Il faut baisser les impôts qui pèsent sur les personnes les moins riches, et les augmenter sur les personnes ou les entreprises les plus riches pour faire jouer la solidarité, et donner à l’État les moyens de financer les services publics

Le principe humaniste qui se cache derrière cette assertion me plaît bien, et se résume souvent derrière la phrase : On paye selon ses moyens, on bénéficie selon ses besoins.

Néanmoins, il est critiquable sur plusieurs points :

  • Pourquoi certains ne paieraient-ils pas l'impôt ? Les plus pauvres doivent aussi contribuer à l'effort commun. Je suis d'accord avec cela, et je suis donc pour que l'ensemble des contribuables paient une part juste de l'impôt. N'oublions pas cependant que l'impôt, ce sont des prélèvements sur le revenu, mais aussi d'autres types de prélèvements, ainsi que des cotisations et des taxes. Or, les taxes sont souvent très inégalitaires (car proportionnelles). Pour donner un exemple, la TVA sur les produits de première nécessité auront des conséquences beaucoup plus fortes dans le budget d'une personne pauvre que dans celui d'un ménage plus riche. Il ne faut donc pas regarder uniquement l'impôt sur le revenu ;
  • Il est un encouragement à ne rien faire, ou décourage l'entreprenariat. Je crois qu'à partir du moment où il est bien réfléchi et réparti, l'impôt a toute sa place dans notre économie, en tout cas dans un monde en grande partie capitaliste. Il me paraît utile de le repenser, pour justement encourager les initiatives individuelles, l'innovation, les petites entreprises, sans pour autant amalgamer cet univers avec les plus grosses entreprises qui sont souvent les grandes gagnantes des réformes sur les prélèvements sur les entreprises et les sociétés ;
  • Il est par essence anti-libéral, puisqu'il freine la liberté d'entreprendre. Je ne crois pas que demander aux plus riches de contribuer dans une proportion raisonnable (et surtout, pas moins que les ménages plus modestes) soit une idée particulièrement saugrenue. On ne résoudra pas en une ligne le conflit qui oppose les arguments libéraux voire néo-libéraux des défenseurs d'une économie plus régulée, mais nous dirons qu'en tout cas, ce point peut faire débat. De fait, et c'est un avis tout à fait personnel que l'on pourra critiquer, il me semble que le néolibéralisme a montré suffisamment de défauts pour qu'on ait envie de changer de modèle économique.

Ainsi, je suis pour une répartition progressive de l'impôt, non seulement sur le papier, mais dans les faits. Et les faits montrent que l'impôt est régressif, voire fortement régressif pour les plus hauts revenus (dans beaucoup de pays du monde, mais je m'intéresse ici à la France en particulier)[6]. Même s'il remplit son office de réduction des inégalités, il ne le fait pas suffisamment bien à mes yeux, et je suis pour qu'on y réfléchisse à nouveau pour le simplifier, l'expliciter pour que chacun puisse y adhérer plus pleinement s'il le comprend mieux et que le principe lui plaît, et le modifier pour qu'il fasse véritablement preuve d'une répartition équitable de l'effort commun.

Ce point a donc ma préférence parce que je le trouve plus concret dans sa proposition, même s'il y a des choses à dire, comme vu ci-dessus.

Sources